Analyse
Felix Gonzalez-Torres combine dans ses oeuvres, expérience personnelle, réflexion sur l'histoire de l'art et prise de position politique. Ainsi il rend compte de la situation d'artiste homosexuel et de ses origines cubaines. Par exemple, l'oeuvre "Sans Titre" de 1991 qui nous donne à voir un lit défait, d'un blanc immaculé, qui devait animer différents espaces d'affichages dans New-York est son dernier hommage à son compagnon décédé la même année. Cette oeuvre qui semble être une incursion dans la vie privée transmet bien le sentiment d'absence de l'être aimé, et ancre la relation homosexuelle dans une réalité quotidienne. Il transfère donc la sphère privée dans l'espace public que représente le panneau d'affichage et "fait prendre conscience de l'universalité des thèmes de la maladie, de la mort, de l'amour et de la perte".
Les oeuvres de Felix Gonzalez-Torres dénotent parfois une référence à l'art conceptuel et au Minimal Art des années 60. Ainsi ses piles de papiers, ses tas de bonbons et même ses travaux sur les horloges nous rappellent l'art minimal par la simplicité de la forme. L'art minimal avec Frank Stella, considérait que les oeuvres sont des objets non-figuratifs, entièrement indépendants qui viennent s'ajouter à un monde déjà rempli d'objets et qui doivent y trouver leur place. L'art conceptuel marque une étape dans l'approche du minimalisme, l'essentiel de l'oeuvre ne réside plus dans l'objet mais dans le processus intellectuel que le peintre espère susciter chez le spectateur. Joseph Kosuth marque ce courant avec son "One and tree chairs"(Une et trois chaises). Cette oeuvre est composée d'une chaise pliante, de la photographie d'une chaise pliante et d'un panneau mural portant la définition de "chaise" donnée par le dictionnaire. Kosuth interroge l'identité de l'objet, le problème de la représentation et du réel. C'est donc ici le processus intellectuel qui prime sur l'objet que l'on nous donne à voir. C'est ce travail du "process" que l'on retrouve chez Felix Gonzalez-Torres; des oeuvres simples comme ses guirlandes de lumières ou ses installations de sucreries, mais aussi des oeuvres qui prennent leur importance à travers le sentiment, la réflexion qu'elles vont susciter chez le spectateur.
Cependant par l'invitation qu'il fait au dit spectateur d'emporter un bonbon ou une feuille de papier, il refuse et interroge l'autonomie de l'oeuvre d'art caractéristique de l'art minimal. Ainsi avec simplicité, "par leur seul choix et par leur disposition, Gonzalez-Torres plonge les objets quotidiens dans une atmosphère de poésie".
Certaines oeuvres, faites d'images polysémiques et poétiques, comme les oreillers conservant le creux que des têtes auront formé, les traces de pas dans les dunes, ou deux oiseaux passant dans le ciel, font prendre conscience de la fugacité ou de l'angoisse de la perte d'un être aimé.
Frank Stella, "Fez", 1964.
Joseph Kosuth, "One and Three Chairs"
(Une et trois chaises), 1965.
"Sans titre, (Portrait de Ross à LA),"
1991 Felix Gonzalez-Torres.