Je dois l'admettre, je suis séduit... Voici ce qu'écrit Marie-Laure Berdanac au sujet de Jenny Holzer et de son travail dans le catalogue "Jenny Holzer" du CAPC de Bordeaux: "Depuis sa première prise de parole avec les Truisms, Jenny Holzer na cessé, de diverses façons, dexploiter les limites et les infinies possibilités dapparition de lécriture. Découpé, fragmenté, sur pierre ou sur papier, défilant et désintégré dans les signes électroniques, le texte prend véritablement corps et laisse des traces visibles. Son inscription dans la ville, et dans les nouveaux espaces urbains, lui confèrent un statut particulier. Sur un même support, (télévision ou panneau daffichage), cest évidemment le sens qui fait la différence entre lannonce publicitaire et le texte de lartiste. A la pluralité des formes, répond la pluralité du sens. Les textes de Jenny Holzer ont ceci de particulier quils sont à la fois évidents, logiques, et en même temps, totalement énigmatique, allusifs, intriguants, échappant à toute règle morale ou idéologique. Ecriture de femme, traversée par les intensités du monde, oeuvrant sur le temps et lespace, la mémoire des vivants et des morts, avec rigueur et beaucoup dhumanité." Enigme du texte, énigme de l'auteur, Jenny Holzer semble rester à l'écart tout en prenant position, paradoxe, rien n'est définitif... et cela agace certains critiques, trop malheureux de ne plus pouvoir faire du "isme" à la chaîne. Ecrire, faire l'usage de la pensée, du langage, des mots est déjà "quelque chose". C'est parler silencieusement, tracer, graver, nommer ce qui n'est pas là ou ce qui sera, étant nous-mêmes absents... mais nous y sommes aussi... Jenny Holzer se présente à nous "écrite"... Elle se sert de l'écriture, mais aussi de différents supports empruntés aux structures publicitaires (panneaux d'affichage électroniques par exemple) pour sortir les gens, trop obnubilés par des quantités énormes d'informations et d'images absurdes, de leur morne quotidien. Les écrits qu'elle "affiche" dans les villes où elle vit ou expose nous interrogent. La banalité et l'habitude ont ceci de terrible qu'elles nous enferment dans un monde, notre monde, où tout n'est que contrôle et certitude, rien ne change, rien ne bouge, tout est plein... Mais voilà, dans un clignotement imperceptible surgit une phrase, une suite de mots, qui nous prennent et nous soufflent ailleurs... C'est ainsi que je perçois l'oeuvre de Jenny Holzer, comme un clignotement, une diode électroluminescente, une dalle de marbre qui nous interpelle... Nous nous posons, lisons, nous-mêmes "exposés" aux regards de ceux qui n'ont qu'une voie, nous bifurquons pour arriver où? Je ne saurais le dire... Il me faut tout de même émettre un reproche à la démarche de Jenny Holzer et cela serait que l'activité des lecteurs se résume a cela, à "lire"... n'est-ce pas cela que les gens font lorsqu'ils voient un slogan ou se "reposent" en lisant un magazine? Serait-ce alors blasphémer que de dire que l'art doit nous amener à une activité? Oui, ses textes nous portent hors, mais nous ne pouvons que les lire (qui plus est si ils sont affichés su des panneaux géants). Nicolas Bourriaud dans Esthétique relationnelle (p.45) écrit "si la plupart des artistes apparus dans les années quatre-vingts, de Richard Prince à Jeff Koons en passant par Jenny Holzer, mettaient en valeur l'aspect visuel des médias, leurs successeurs privilégient le contact et la tactilité"... C'est de cela que je veux parler, de l'"après", de ce qui va nous amener à..."vivre". |
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